Pourquoi travaillent-ils et doivent-ils travailler ensemble ?
Sans aucun doute les marins pêcheurs et les mareyeurs sont les Tic & Tac de la filière produits de la mer. Quand l'un va pêcher le poisson, l'autre se charge de le vendre. Simple, basique. Est-ce si facile en réalité ? Pas vraiment… En effet, ce résumé occulte les difficultés du premier à rapporter des produits frais, et celles du second à identifier les plus beaux lots.
Des visions divergentes dans des paires de bottes similaires
Soyons clairs : le pêcheur et le mareyeur, en amont et en aval de la filière pêche, ont des points de vue divergents.
Vivez la vie de marin pêcheur sur le pont d’un bateau
Pour le marin-pêcheur, côtier ou hauturier, le prix du poisson est rarement suffisant pour compenser la journée ou la semaine qu'il vient de passer en mer...
Fermez les yeux et imaginez : réveillé aux aurores, vous enfilez une tenue qui n'a pas toujours eu le temps de sécher pour enquiller les heures sur le pont arrière d'un chalutier, d'un senneur, d'un palangrier ou d'un caseyeur. Suivant l'espèce ciblée, vous jonglez entre de lourdes dragues, des filets qui vous cisaillent les doigts, des casiers coinceurs et les hameçons agressifs. Tout va vite. Très vite. À peine vidés, il faut remettre les engins de pêche à l'eau. Vous êtes plongé dans le bruit autant que dans le froid et l'humidité. Il faut hurler pour la moindre parole, et le roulis vous envoie valdinguer contre tout ce qu'un pont de bateau peut renfermer comme obstacle. Le tri des produits se fait donc en équilibre précaire, dans des positions inconfortables, et vous passez votre peu de temps-libre à empiler des caisses pour faire de la place. Ça sent le poisson, l'huile de moteur, et le gasoil détaxé. Et si vous avez le cœur au bord des lèvres, vous pouvez compter sur un brave compagnon pour vous ouvrir une boîte de sardines, rigolard.
Vivez la vie de mareyeur au cœur de la halle à marée
Dans le mareyage, le quotidien n'est guère plus rose. Lui aussi réveillé bien avant le lever du soleil, il file en camion-frigo faire sa tournée des criées. Hiver comme été, son "bureau" est à six degrés, la température moyenne des salles de vente. Botté, doudounné, il croise ses concurrents physiques (une part grandissante des achats se fait maintenant à distance, par internet) et repère les plus beaux lots. Son rôle : soupeser du regard la qualité du poisson, sa bonne tenue, l'éclat de son œil sans jamais avoir la possibilité de le goûter. Pas simple. D'autant plus compliqué que ce métier de négoce à ceci de particulier que l'ensemble des mareyeurs se partage les mêmes clients comme les mêmes fournisseurs. D'où l'affichage de poker face, mains dans les poches et doigts sur le transmetteur, pour ne pas éveiller l'attention des confrères et décrocher LE lot visé au prix le plus attractif.
Regarder ensemble vers le même horizon : une alliance payante
Alors entre le pêcheur, qui n'a aucun moyen de peser sur le cours du poisson, et l'acheteur qui décide s'il est preneur ou non, au cours d'enchères descendantes , logique que le courant ne passe qu'une fois sur deux. Pourtant, chacun a beaucoup à gagner à bien connaître le métier de l'autre. Le pêcheur en prenant en compte les attentes du mareyeur pour lui proposer le meilleur produit possible. Le mareyeur en se portant acquéreur prioritairement des cargaisons provenant des bateaux respectueux des poissons.