Can we really reinvent food? After all, nothing seems more natural, or more immutable than eating...
Et pourtant. Depuis dix ans, la technologie s’invite à table et bouleverse notre façon de produire, distribuer et consommer la nourriture. Et pour une fois, ce sont “les petits” qui fixent le menu - les start-ups en particulier... L’agro-industrie, de son côté, n’entend pas rester passive et développe des stratégies pour tailler sa part du gâteau.
Au sein de cette petite révolution, Klarys tient un positionnement original, et souhaite accompagner tous les acteurs du secteur, des plus petits aux plus grands, dans un processus gagnant-gagnant.
Aux origines du mouvement
“Je crois qu’il s’agit d’une tendance profonde qui s’accélère”, dit Michele Fite, cadre chez Motif Foodwork, une entreprise spécialisée dans les produits alimentaires à base de végétaux. “Ce n’est pas l’industrie qui pousse les choses de manière descendante, comme Apple avec la disruption électronique ou Prius avec la disruption des voitures hybrides. C’est le consommateur qui pousse complètement cette révolution.”
Domaine intime par excellence, l’alimentation suscite le désir, l’imaginaire, et parfois aussi l’inquiétude. C’est donc très tôt que la société civile a choisi l’assiette comme terrain de bataille pour exprimer ses aspirations écologiques, éthiques, et son désir de vivre plus sainement. Mais répondre à ce changement s’avère difficile du côté des grandes entreprises agroalimentaires, souvent ralenties (voire paralysées) par leur culture interne, leurs habitus et leurs hiérarchies profondément établies.
Ainsi, peut-être plus que dans d’autres secteurs économiques, ce sont les startups qui sont pionnières de l’innovation, au point qu’elles forment désormais un sous-secteur, un marché dans le marché, désigné sur le nom de foodtech. Michele Fite, d’ailleurs, est responsable de la “stratégie start-up” au sein de son entreprise. La preuve que l’innovation, chez les géants de l’alimentaire, se fait essentiellement de manière externalisée.
Cette tendance a commencé de façon très nette à partir des années 2010. Certains spécialistes outre-atlantique avancent même une date plus précise : 2013. Cette année-là, le fonds d’investissement 3G Capital rachetait Heinz et fermait immédiatement son département de R&D pour faire remonter le cours de l’action. Sur les marchés, le signal fut entendu par tous les concurrents, et des entreprises comme Kellogg ou General Mills ont investi de manière préventive dans la foodtech pour ne pas subir le même sort…. Aux Etats-Unis, en une décennie, les sommes dépensées dans les startups alimentaires ont été multipliées par 18.
Et cette lame de fond ne semble pas épargner l’Europe ni la France. Dans son rapport “Panorama des IAA, édition 2020”, le Ministère de l’Agriculture affirme que l’agro-alimentaire demeure le troisième secteur le plus innovant, après le secteur de l’information-communication et celui de l’énergie. Le même rapport estime que la foodtech, en France, représente environ 600 startups… Et presque autant de bonnes idées à prendre ?
Les startups bousculent la logistique et la vente
Si les startups se sont facilement saisies d’un sujet pointu, c’est bien celui de : la blockchain.
Longtemps considérée comme une technologie prometteuse mais légèrement ésotérique, la blockchain commence juste à dévoiler son potentiel avec de nombreuses applications concrètes.
Pour rappel, la blockchain permet d’implémenter dans le monde numérique une notion essentielle aux échanges : la rareté. En effet, avec le virtuel, n’importe quel fichier peut-être copié, échangé, partout et à l’infini. Au contraire, la blockchain permet de s’assurer qu’un fichier unique est échangé entre deux entités A et B ; la seconde a bien reçu le fichier, la première ne l’a plus. Ainsi, la blockchain rend possible tout type de transaction, de manière indépendante, sécurisée, et totalement inviolable.
Pour l’agro-industrie, la blockchain permet d’établir une traçabilité parfaite de tous les produits, et même de chaque ingrédient, répondant à une aspiration forte des consommateurs qui veulent connaître la provenance et la composition exacte de ce qu’ils mangent. C’est par exemple le service que propose:
- les startups françaises comme Connecting Food ou Crystalchain;
- c’est aussi ce que fait BlockSyte, aux Etats-Unis, en collaboration avec IBM - séduisant déjà des mastodontes comme Carrefour ou Nestlé.
Une technologie de pointe n’est pas forcément nécessaire pour donner “un coup de pied dans la fourmilière”. Parfois, il suffit d’une bonne idée. C’est par exemple ce qu’a fait l’application française Yuka, en offrant la possibilité de scanner les produits pour en afficher les informations nutritionnelles. En changeant les règles du jeu, Yuka pousse les grandes marques à s’adapter. Il n’est plus possible de vendre ses produits comme avant ; la transparence n’est plus une option, c’est une donnée.
Certaines enseignes, comme Intermarché, vont jusqu’à changer la composition de produits par centaines pour faire face à cette nouvelle sensibilité chez les consommateurs…
D’autres champions nationaux se sont spécialisés dans l’analyse de données. C’est le cas par exemple d’Alkemics, qui digitalise et fluidifie les relations entre producteurs et fournisseurs, ou encore Data Impact, qui permet aux entreprises de construire et visualiser en temps réel leur stratégie de commercialisation…
Ces startups lèvent des fonds importants, connaissent des croissances à deux chiffres et prennent d'assaut l’agro-industrie - car ne pas utiliser ces nouveaux outils, c’est se condamner à prendre du retard face au concurrents.
N’oublions pas à quel point les applications de livraison à domicile ont bouleversé les règles de la distribution, en à peine une décennie. Impossible de faire l’impasse aujourd’hui sur ces nouveaux services. La preuve que parfois, c’est Goliath qui doit suivre David...
La production n’est pas en reste...
Chaque année, dans le monde, des centaines de milliers de jeunes obtiennent un diplôme d’ingénieur, de commerce, et font leur entrée sur un marché du travail déjà saturé… Leur solution ? Faire autrement. Ne pas attaquer les acteurs historiques sur leur terrain, mais ouvrir de nouveaux marchés…
Parmi les experts, presque aucun n’aurait cru possible que deux inconnus sans expérience puissent imposer une nouvelle marque dans le secteur biscuiterie-sucrerie ; la concurrence était trop rude, les barrières à l’entrée trop fortes. Et pourtant, la success-story de Michel & Augustin leur donna tort, avec l’aide de recettes bien pensées et surtout, d’un marketing original devenu presque un cas d’école inspirant toutes les grandes marques.
Même l’agriculture n’est pas à l'abri d’une disruption. Les jeunes générations innovent avec les fermes urbaines ou verticales, l’hydroponie, ou encore la production écolo-intensive à l’intérieur de conteneurs - c’est par exemple ce que proposent les français d’Agricool pour les fraises et les salades. Encore une fois, l’agro-industrie se met au diapason. L’américain Whole Food fait désormais équipe avec la jeune pousse Gotham Greens pour cultiver des légumes sur le toît de ses supermarchés, tandis que Monoprix signe un partenariat avec Jungle pour vendre des légumes issus de fermes verticales.
Car ces modes de production répondent une nouvelle fois aux désirs des consommateurs, qui cherchent des produits plus locaux, plus verts, avec une meilleure traçabilité...
L’agro-industrie : marraine de la foodtech ?
Mais les grandes entreprises sont-elles condamnées à s'adapter, suivre la tendance, toujours à la remorque de l’Histoire ? Sûrement pas.
Car si les startups sont de plus en plus nombreuses, ces dernières ont cruellement besoin de conseils, de réseaux, et surtout, de fonds pour se développer… voir pour survivre.
Le taux de “mortalité” chez les petites entreprises de la food approche les 50%. Alors pour éviter l’hécatombe (et la disparition définitive de pépites potentielles), les incubateurs spécifiques au domaine agro-alimentaire se multiplient :
- par exemple le Smart Food Paris, la Food Factory à Lyon, le programme Toaster Lab à Dijon, les villages by CA (Crédit agricole)... Ces lieux mixtes ne peuvent se construire et se pérenniser qu’avec le soutien de grandes entreprises.
Pour ces dernières, l’investissement est l’occasion de suivre les startups, dès le berceau, et veiller à ne pas passer à côté de la perle rare. Car dans la foodtech, les rachats sont légion ; par exemple Carrefour avec le rachat de Quitoque (livraison d’ingrédients bruts et de recettes aux particuliers), ou Sodexo avec le rachat de FoodChéri (livraison de plats frais à domicile).
Pour les grandes entreprises, ce genre de croissance par rachat permet de renouveler la culture interne en captant des savoir-faire et des savoir-être chez les nouveaux talents.
Il est possible de viser le même objectif en sponsorisant des événements comme des concours ou des hackathons (événements destinés à faire émerger, collaborativement, de nouvelles idées digitales). C’est ainsi que l’on retrouve Sodexo parmi les premiers partenaires du concours IdFood organisé par la région Île-de-France, ou l’INTERFEL sponsorisant le Food Hackaton Ecotrophelia du Salon de l’Agriculture. Une manière, pour ces acteurs historiques, de rester en contact avec la jeune génération.
Enfin les entreprises agro-alimentaires comptent bien favoriser la créativité chez elles, en interne, et s’émanciper des startups. Pour débrider l’esprit d’innovation, plusieurs techniques ont déjà fait leurs preuves :
- créer sa propre startup en interne avec des collaborateurs choisis,
- fragmenter l’équipe R&D en plusieurs structures spécialisées plus petites et plus indépendantes,
- ou encore, favoriser les projets transdisciplinaires, par exemple en incitant des équipes d’ordinaires séparées à travailler ensembles sur des projets spécifiques....
Il ne faut pas hésiter, également, à favoriser la transparence et la communication ascendante, car les nouvelles idées peuvent venir du terrain, chez les salariés ou les consommateurs eux-mêmes. Leurs avis sont une mine d’informations utiles, à condition de prendre ces données au sérieux et les traiter comme il se doit…
C’est un fait : l’alimentation se réinvente. Face aux nouveaux entrants, les acteurs historiques ont peut-être pris du retard ; leur capacité de financement, de remise en question, et plus généralement leur résilience sera déterminante dans les années à venir. Mais le secteur fera des progrès peut-être encore plus importants si les start-ups et les grandes entreprises apprennent à collaborer, en amont, plutôt que de s’affronter dans une course à l’innovation qui fera forcément des dégâts.